3.1

Quelques recherches

«Dans le cerveau, à chaque type de tumeur correspond un paysage immunitaire extrêmement différent»

Personne de référence

Professeur Johanna Joyce, directrice du Joyce Lab et directrice exécutive de l’AGORA, Département d’oncologie

Professeure ordinaire et directrice exécutive du pôle AGORA de recherche sur le cancer, Johanna Joyce effectue dans son laboratoire, qu’elle dirige depuis plus de seize ans, des recherches sur l’environnement proche des tumeurs cancéreuses. Ses travaux ont abouti à des découvertes qui révolutionnent la compréhension des cancers du cerveau et qui lui ont valu le Prix Robert Bing 2020.

Entretien

Les recherches que vous avez menées ces dernières années montrent que les tumeurs du cerveau sont capables de détourner le système immunitaire de sa fonction. Pouvez-vous expliciter cette notion de détournement ?
On peut prendre la métaphore de la conversation pour comprendre le phénomène. En temps normal, entre les cellules cancéreuses et les différentes cellules immunitaires qui protègent notre organisme, le dialogue se déroule de manière que les soldats de notre immunité empêchent la croissance des tumeurs. Mais si cette conversation se prolonge, il est possible que les cellules cancéreuses prennent une position dominante. C’est un peu comme si elles réussissaient à parler plus fort. Elles parviennent alors à transmettre leurs instructions et à les faire exécuter par les cellules immunitaires.

Quelle est la nature de ces instructions ?
Les cellules immunitaires produisent différents enzymes pour toutes sortes de besoins: par exemple, après leur naissance dans la moelle osseuse, elles doivent passer dans le sang, puis se rendre à l’endroit d’une infection, puis passer la barrière des cellules qu’elles doivent neutraliser. Les enzymes permettent littéralement aux cellules immunitaires, tels les macrophages, de se frayer un chemin et de passer toutes ces barrières. Les tumeurs peuvent réussir à éduquer les macrophages de façon à leur faire produire davantage d’enzymes, pour ensuite utiliser à leur tour ces chemins et se répandre. Elles peuvent aussi leur faire produire des hormones qui leur permettent de croître plus rapidement. J’utilise parfois l’image d’un policier qu’on a réussi à corrompre et dont la fonction initiale a été détournée.

Les cinq types de cancers différents que nous étudions correspondent à autant de paysages cellulaires et de manières de fonctionner des cellules immunitaires.

Est-ce que les tumeurs sont capables de corrompre toutes les cellules immunitaires ?
Ce sont principalement les macrophages qu’elles influencent. Pour faire encore une analogie, on peut voir la situation comme un champ de bataille. Un certain type de lymphocytes T, qu’on appelle le T killer et qui est programmé pour agir de façon très directe, maintient son combat contre la tumeur. La bataille ne s’arrête pas. Mais après avoir été transformés en «mauvais soldats», les macrophages perturbent le travail de ces lymphocytes. Ils sont capables de bloquer leur fonction.

En 2020, votre laboratoire a publié les résultats d’une demi-douzaine de recherches: quels sont pour vous les travaux les plus marquants ?
L’une de nos recherches montre que, dans le cerveau, chaque type de cancer s’entoure d’un paysage immunitaire extrêmement complexe et qui lui est propre. Si on reprend l’image du champ de bataille qui entoure chaque tumeur, nous avons pu voir que, selon les cancers, les armées sont composées de forces très différentes. Cette cartographie permet de savoir quelles cellules immunitaires sont dominantes et quel comportement il faut modifier. Nous avons aussi bien étudié les cancers qui naissent dans le cerveau que des métastases qui ont pour origine un cancer du poumon ou du sein ou des mélanomes. Les cinq types de cancers différents que nous étudions correspondent à autant de paysages cellulaires et de manières de fonctionner des cellules immunitaires. L’environnement change aussi selon le degré d’avancement de la maladie. Toutes ces découvertes représentent un pas très important pour la communauté des chercheuses et chercheurs qui travaillent sur le cancer du cerveau dans le monde. Il faut désormais tenir compte de ces connaissances pour concevoir des traitements qui visent des cibles différentes.

Nous avons trouvé une façon de restaurer la fonction normale des macrophages.

Une autre de nos études récentes montre que la rééducation des macrophages permet d’accompagner les traitements anticancéreux classiques de façon très efficace. Après une radiothérapie par exemple, les macrophages se précipitent en masse pour éliminer les cellules cancéreuses mortes, ce qui est leur fonction première. Mais il y a parfois quelques résidus de tumeurs qui utilisent ces macrophages pour résister au traitement et se remettre à proliférer. Nous avons trouvé une façon de restaurer la fonction normale des macrophages et, lorsqu’ils redeviennent de «bons soldats», leur travail soutient l’action des thérapies. Cette rééducation des cellules immunitaires peut fonctionner par elle-même, mais son efficacité est bien plus grande lorsqu’on l’associe à des traitements classiques, qui réduisent d’abord la taille des tumeurs.

Tout en étant membre de l’Institut Ludwig pour la recherche sur le cancer, vous dirigez votre laboratoire installé dans le bâtiment AGORA, au sein de la cité hospitalière. Dans quelle mesure vos résultats sont-ils liés à cet environnement de travail ?
Toutes nos recherches ont été possibles par notre présence au sein de l’AGORA. Le bâtiment, qui a été financé par la Fondation ISREC, abrite plusieurs laboratoires indépendants qui réunissent des chercheuses et chercheurs de l’EPFL, de l’UNIL, des HUG et de l’UNIGE et avec qui nous collaborons. Nous avons aussi travaillé avec les Services de neurochirurgie et de pathologie clinique du CHUV, et je fais moi-même partie du Département d’oncologie. Dans mon laboratoire, qui compte une quinzaine de personnes, il y a des étudiantes et étudiants en science de niveau master, des doctorantes et doctorants, et beaucoup de médecins diplômé·e·s spécialisé·e·s dans la recherche. Et les équipements du bâtiment offrent tout ce qu’il faut pour analyser les échantillons que nous récoltons. L’AGORA est une structure totalement dédiée à la recherche translationnelle: tout est organisé pour travailler au plus près des malades et trouver rapidement une manière d’appliquer les découvertes des recherches. Pour mon laboratoire, cet environnement revêt une très grande importance.

Quelques recherches

Soutenir la recherche du CHUV grâce au consentement général

Le consentement général (CG) pour la recherche du CHUV permet aux patientes et patients de donner ou non leur accord pour que les données de leur dossier médical ainsi que le surplus de leurs échantillons biologiques collectés lors des soins soient utilisés pour des travaux de recherche. Elles et ils peuvent également décider de contribuer à la Biobanque génomique du CHUV en donnant un échantillon de sang supplémentaire à des fins d’analyses génétiques.

Le consentement général s’étendra aux enfants et à leurs parents dès l’été 2021.

Le consentement général s’adresse aux adultes pris·es en charge dans l’ensemble des services cliniques du CHUV. Les patientes et patients reçoivent la documentation par courrier ou lors de leur venue à l’hôpital. Si elles ou ils désirent davantage d’informations ou simplement poser des questions, les équipes médico-soignantes peuvent leur répondre, de même que la hotline de l’Unité du consentement à la recherche.

Le consentement général s’étendra aux enfants et à leurs parents dès l’été 2021.

Une antenne de recherche clinique du Département femme-mère-enfant

En 2018, dans le but d’apporter un soutien à la recherche clinique au sein du Département femme-mère-enfant (DFME), une structure de soutien à la recherche clinique pédiatrique et mère-enfant a été créée. Cette unité reçoit un financement fédéral du réseau des centres suisses de recherche pédiatrique SwissPedNet (Swiss Clinical Trial Organisation) ainsi qu’un financement du décanat de la FBM. Intégrée à l’ensemble des structures de soutien et gestion de la recherche clinique du CHUV et de la FBM, cette antenne gère un nombre croissant d’essais cliniques de sponsors académiques et industriels, mais aussi d’études internes et registres. Orientée vers la prise en compte des spécificités de l’enfant et des thématiques parent-enfant, elle est désormais largement utilisée par les investigatrices et investigateurs.

Une «Journée de recherche» du DFME est organisée au CHUV depuis plusieurs années.

Par ailleurs, depuis plusieurs années, une «Journée de recherche» du DFME est organisée au CHUV par le groupe de travail «Recherche» du département. Lors de l’édition 2021 de cette journée auront lieu plus de 80 présentations orales ou affichées de travaux de recherche originaux produits par les médecins, chercheuses, chercheurs, soignantes et soignants des différentes composantes du département.

Développement de transplants au Centre de recherche et d’innovation en sciences pharmaceutiques cliniques (CRISP)

Dans le cadre des objectifs du nouveau Centre de recherche et innovation en sciences pharmaceutiques (CRISP) créé en 2019, le CHUV a développé la production de transplants standardisés et non standardisés. Même si certains de ces outils font partie de la panoplie thérapeutique depuis de nombreuses années, de plus en plus sont catégorisés dans les médicaments de thérapies innovantes (MTI). C’est le cas des cultures cellulaires autologues, des transferts de microbiote fécal (TMF) ou de la phagothérapie, qui sont spécifiquement considérés comme des traitements de premier choix.

Ces projets impliquent un nombre important de spécialistes de plusieurs disciplines.

La recherche de nouvelles indications et de nouvelles techniques de production ouvre néanmoins des perspectives inédites. En phagothérapie, la procédure de préparation doit être standardisée et adaptée aux bonnes pratiques de fabrication (BPF). Dans le domaine des TMF, leur utilisation peut être étendue en infectiologie, mais également pour des pathologies très diverses.


Alliant la recherche fondamentale à la recherche clinique, ces projets impliquent un nombre important de spécialistes de plusieurs disciplines. Par ailleurs, depuis fin 2020, une nouvelle législation oblige le CRISP à prospecter les aspects réglementaires et juridiques, poussant à adopter une approche globale des productions actuelles.

Le CHUV noue un partenariat avec le CERN afin de développer un appareil de radiothérapie FLASH pour les tumeurs profondes

Envisagée pour le traitement du cancer, la thérapie FLASH est une nouvelle forme de radiothérapie qui utilise des électrons de haute énergie délivrés en quelques millisecondes. Ce nouveau mode de radiothérapie protège considérablement les tissus sains tout en restant aussi efficace sur les tumeurs. Le tissu tumoral est détruit de la même manière qu’avec la radiothérapie conventionnelle, mais avec moins d’effets secondaires. En 2018, le CHUV a réalisé le premier traitement FLASH chez un patient souffrant d’un cancer de la peau superficiel multirésistant, qui a pratiquement disparu sans effets secondaires. La radiothérapie FLASH pourrait permettre également d’administrer la dose nécessaire de rayonnement en un nombre de séances très réduit.

Le nouvel appareil FLASH tirera profit du savoir-faire unique du CERN en matière d’accélérateurs.

Copropriétaires de la technologie, le CHUV et le CERN ont noué un partenariat dans le but de collaborer à la construction d’une installation innovante. Le nouvel appareil FLASH tirera profit du savoir-faire unique du CERN en matière d’accélérateurs. Le principal défi consistait à obtenir des électrons de haute énergie à l’aide d’accélérateurs linéaires compacts. La solution est venue de la conception d’un dispositif unique basé sur la technologie d’un type d’accélérateur appelé collisionneur linéaire compact (CLIC), qui augmente la vitesse des électrons et permet de traiter des tumeurs jusqu’à 15 à 20 cm de profondeur. La nouvelle installation sera suffisamment compacte pour être installée dans les structures hospitalières actuelles.

Le projet FLASH est généreusement soutenu par la Fondation pour le soutien de la recherche et du développement de l’oncologie (FSRDO) ainsi que par la Fondation ISREC, grâce à une donation de la Fondation Biltema.

Activités de recherche et publications du BEST

Le Bureau d’échange des savoirs pour des pratiques exemplaires de soins (BEST) est issu d’une collaboration entre quatre partenaires lausannois: l’Institut et Haute Ecole de la santé La Source, la Haute Ecole de santé Vaud (HESAV), l’Institut universitaire de formation et de recherche en soins (IUFRS) de l’UNIL et le CHUV (Direction des soins et Centre des formations). En 2020, le BEST a également établi un partenariat avec la Haute Ecole de Santé de Genève. Son objectif est de développer une pratique fondée sur les données probantes (evidence-based practice).

En 2020, le BEST a établi un partenariat avec la Haute Ecole de Santé de Genève.

En 2020, quatre projets d’implantation de recommandations de bonnes pratiques ont été conduits au CHUV dans le cadre de la formation au leadership clinique proposée par le BEST. Ces projets portent sur des thèmes variés: l’implantation de l’outil de communication SCAR dans une unité de soins intermédiaires de pédiatrie, la préparation à la sortie dans une unité de médecine interne, l’implantation d’un outil de dépistage de la détresse pour les patientes et patients atteint·e·s d’un cancer en oncologie ambulatoire, et la détection précoce des personnes adultes à risque de violence et d’agression dans trois unités de psychiatrie.

Développés selon les méthodologies du Joanna Briggs Institute et impliquant des collaboratrices et collaborateurs du CHUV, plusieurs protocoles et un rapport de revues systématiques ont été publiés par le BEST:

Instruments for the identification of patients in need of palliative care: protocol for a systematic review of measurement properties. Teike Lüthi F., Mabire C., Rosselet Amoussou J., Bernard M., Borasio G.D., Ramelet A.-S. JBI Database of Systematic Reviews and Implementation Reports, 2020; 18(5): 1144-1153. Vers l’article.

Patients’ perspectives on interprofessional collaboration between health care professionals during hospitalization: a qualitative systematic review. Didier A., Dzemaili S., Perrenoud B., Campbell J., Gachoud D., Serex M., Staffoni-Donadini L., Franco L., Benaroyo L., Zumstein-Shaha M. JBI Database of Systematic Reviews and Implementation Reports, 2020; 18(6): 1208-1270. Vers l’article.

Effectiveness and family experiences of interventions promoting partnerships between families and pediatric and neonatal intensive care units: a mixed methods systematic review protocol. Barnes S., Rio L., de Goumoëns V., Grandjean C., Ramelet A.-S. JBI Database of Systematic Reviews and Implementation Reports, 2020; 18(6): 1292-1298. Vers l’article.

L’Office de transfert de technologies PACTT: sept projets innovants valorisés

L’Office de transfert de technologies UNIL-CHUV (PACTT) a pour mission la gestion des inventions et des biens immatériels ainsi que leur valorisation. Ce travail comprend l’évaluation, la protection et l’élaboration d’une stratégie de commercialisation de la propriété intellectuelle, de même que la rédaction, la révision, la négociation et le suivi des contrats de collaboration en lien avec la recherche, entre les institutions d’une part et les tiers.

Les missions de PACTT comprennent également le conseil et le soutien aux chercheuses et chercheurs dans leurs projets de création d’entreprises.

En 2020, la fermeture des laboratoires et la focalisation de la recherche sur le COVID-19 ont provoqué une diminution du nombre des contrats de recherche (140) soumis au PACTT. En revanche, cette période a encore accentué les échanges de données pour la recherche, ce qu’illustre le nombre croissant de contrats liés au transfert de données. Sept projets innovants ont été valorisés en octroyant une licence sur la propriété intellectuelle à des partenaires industriels, afin que ces derniers les développent et les mettent sur le marché.

InnoPACTT pour dynamiser l’entrepreneuriat
Au-delà de la valorisation de la propriété intellectuelle créée au sein des institutions et de la bonne gouvernance en matière de collaboration avec l’industrie, les missions de cet office comprennent le conseil et le soutien aux chercheuses et chercheurs dans leurs projets de création d’entreprises. Le PACTT est au service du CHUV et de toutes les facultés de l’UNIL. Il représente les deux institutions auprès de divers organismes locaux et régionaux actifs dans le soutien de l’innovation et de l’entrepreneuriat tels que le Hub Entrepreneuriat et Innovation de l’UNIL, la Fondation pour l’innovation technologique (FIT), BioAlps et l’incubateur StartLab. Du fait notamment de ses interactions régulières avec ces organismes et leurs acteurs, le PACTT est étroitement lié au tissu économique local du canton de Vaud.

En 2013, sous l’impulsion du PACTT, les directions de l’UNIL et du CHUV ont décidé de renforcer leur soutien à l’innovation avec la création d’InnoPACTT, un fonds destiné à financer des projets innovants issus de l’UNIL et du CHUV. Dotées de 100’000 francs chacune, également soutenues par la FIT, les bourses InnoTREK sont destinées à de jeunes chercheuses ou chercheurs qui souhaitent développer un projet de start-up.

Depuis sa création, InnoPACTT a distribué des bourses pour plus de 2,5 millions de francs à 26 lauréates et lauréats, dont 42% de femmes. Ces financements ont permis le lancement de neuf start-up prometteuses, dont 44% par des femmes entrepreneuses.

Les entreprises créées depuis 2013 sont les suivantes:

  • Lymphatica Medtech SA
  • Matchmore SA
  • Sulfiscon Sàrl
  • VRIST Sàrl
  • Flares Analytics SA
  • AgroSustain SA
  • JeuPRO Sàrl
  • Genknowme SA
  • HaYa Therapeutics SA