Depuis plusieurs années, les Services de chirurgie viscérale, d’urologie et de gynécologie du CHUV suivent un protocole spécifique qui accélère la récupération des patientes et patients après une opération chirurgicale. En 2017, un tel protocole a aussi été instauré en chirurgie thoracique.
Intitulé ERAS, pour enhanced recovery after surgery (littéralement «récupération améliorée après la chirurgie»), ce programme a pour but de diminuer le stress qu’entraîne toute intervention pour une patiente ou un patient et de maintenir son bon état physiologique. Appliqué avec la participation active des patientes et patients, ce protocole atténue les effets négatifs d’une opération et réduit significativement les complications postopératoires. Les patientes et patients jouissent ainsi d’une meilleure qualité de vie avant, pendant et après leur intervention.
Plus de 20 mesures composent le programme ERAS. Du fait que l’état nutritionnel d’une personne, et notamment sa réserve en glucides, joue un rôle prépondérant pour la chirurgie comme pour la récupération, la ou le futur·e opéré·e doit consommer, le jour avant l’opération, des boissons riches en sucre. Elle ou il doit aussi s’alimenter peu de temps après l’intervention, si possible le jour même. En cas de besoin, elle ou il reçoit un traitement anti-nauséeux.
Pour qu’une patiente ou un patient récupère rapidement, il est aussi crucial qu’elle ou il se mette en mouvement peu après son opération. Le programme ERAS recommande de se lever quelques heures après une intervention, et de rester assis dans un fauteuil au moins pendant 2 heures. Les jours suivants, il faut aussi marcher, ou prendre ses repas à table. Si nécessaire, afin de rendre cette mise en mouvement plus facile, la patiente ou le patient reçoit un traitement antidouleur plus puissant.
D’autres mesures du programme ERAS s’adressent aux équipes chirurgicales. Elles demandent, entre autres, à ne pas trop hydrater la patiente ou le patient durant l’intervention. Elles visent aussi à empêcher que sa température corporelle ne baisse; si c’est le cas, son organisme dépense davantage d’énergie, ce qu’il faut précisément éviter. ERAS recommande par ailleurs que les chirurgiennes et chirurgiens recourent prioritairement à la chirurgie par laparoscopie. Moins invasive, elle nécessite aussi moins de drains.
Le succès d’ERAS exige que plusieurs disciplines collaborent: chirurgiennes et chirurgiens, anesthésistes, infirmières et infirmiers, physiothérapeutes, nutritionnistes, stomathérapeutes. Il demande aussi et surtout la participation active des patientes et patients. La première personne à bénéficier d’une prise en charge ERAS au CHUV a été opérée en mai 2011 déjà, dans le Service de chirurgie viscérale.
Cependant, afin que les recommandations soient bien appliquées, de même que pour juger des résultats cliniques, il est indispensable d’évaluer un tel programme par un audit de qualité. De manière anonyme et prospective (au fur et à mesure), les cliniciennes et cliniciens du CHUV récoltent les données des patientes et patients relatives à leur prise en charge ERAS. Sur cette base, l’équipe du CHUV évalue la qualité des soins (les complications, la durée du séjour, etc.) ainsi que l’évolution des patientes et patients après leur opération. Ce suivi permet de contrôler régulièrement, et avec précision, le degré d’adhésion au programme ERAS et de comparer les résultats du CHUV avec ceux d’autres établissements certifiés ERAS dans le monde.
Le programme multidisciplinaire de réhabilitation améliorée ERAS vise à améliorer et simplifier le parcours de la patiente ou du patient avant, pendant et après une opération. L’application du programme ERAS à la chirurgie viscérale s’effectue dans quatre domaines particuliers: les chirurgies du pancréas et du foie, la chirurgie colorectale et celle de la partie supérieure du tube digestif (estomac, œsophage et chirurgie de l’obésité). Depuis 2011, près de 3200 patientes et patients, dont les soins relevaient de ces quatre domaines, ont bénéficié de la prise en charge ERAS. Hormis les personnes opéré·e·s pour traiter leur obésité (chirurgie bariatrique), la plupart ont été soigné·e·s pour un cancer.
Proportion de mesures ERAS appliquées
Nombre de patientes et patients
Pourcentage de patientes et patients avec complications IIIb et plus
Nombre de patientes et patients
LOS moyenne totale (primary et réadmission)
Nombre de patientes et patients
Entre 2018 et 2020, l’adhérence au programme ERAS est globalement stable. Au total, durant cette période, 65% des éléments du protocole ont été respectés, ce qui est considéré comme excellent. En effet, le score qui mesure l’adhérence au programme vise un taux idéal maximal qu’il n’est pratiquement pas possible d’atteindre. L’expérience mondiale prouve que, selon les spécialités, une adhérence au programme au-dessus de 65% offre un bénéfice statistiquement et cliniquement significatif pour les patientes et patients. Le taux de 65% relevé au CHUV en 2020 reste ainsi très satisfaisant. Il reflète surtout la complexité des chirurgies effectuées, ainsi que l’état de patientes et patients complexes. Il faut souligner que, pour conserver les effets bénéfiques du programme ERAS sur la survenue de complications et la durée de séjour, il est indispensable que chirurgiennes, chirurgiens, anesthésistes et équipes infirmières collaborent en permanence. L’implication des patientes et patients est primordiale à chaque étape de leur prise en charge.
En 2020, 9,2% des complications ont nécessité une réintervention sous anesthésie générale ou une prise en charge en soins intensifs. Ce chiffre montre une nette diminution par rapport à 2019. Parallèlement, la durée de séjour a augmenté par rapport à 2019. Cette évolution peut s’expliquer par le fait qu’en 2020 les chirurgies complexes du pancréas ont augmenté de 30%. Il faut néanmoins mettre ces résultats en perspective avec les traitements multidisciplinaires complexes, tels que la chimiothérapie ou la radiologie interventionnelle, qui permettent aujourd’hui d’opérer à un stade plus avancé de la maladie. Dans ces situations, les patientes et patients ont davantage de risque de développer des complications et de séjourner un peu plus longtemps à l’hôpital. Les résultats du CHUV en chirurgie viscérale avec ERAS restent donc particulièrement satisfaisants.
Dans un premier temps, ce graphique a été construit en comparant, après l’introduction du programme ERAS, les 50 premières personnes qui en ont bénéficié avec les 50 dernières personnes soignées avant son introduction. Les résultats obtenus ont démontré une diminution de la durée de séjour après une intervention chirurgicale et une diminution significative des complications cardio-pulmonaires, qui ont baissé de plus de moitié. La pérennisation du programme ERAS pendant les années 2017-2020 a clairement pu démontrer l’impact et les bénéfices d’un tel programme. Pendant cette période, pour un total de 513 patientes et patients, la durée médiane de séjour après intervention (513 personnes au total) est de 4-5 jours.
Il est à noter que les chiffres 2020 portent sur une période de 10 mois (jusqu’au 1er octobre 2020). En effet, le programme a été mis en suspens lors de la crise sanitaire, pendant laquelle le programme opératoire a dû être diminué. Par ailleurs, afin d’apporter du renfort, la personne référente ERAS a été réquisitionnée dans les soins pendant plusieurs mois.
Pourcentage de patientes et patients avec complications cardio-pulmonaires dans les 30 jours
Nombre de patientes et patients
Durée moyenne totale
Nombre de patientes et patients