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La gestion des événements critiques et indésirables

Lorsqu'un incident se produit dans un hôpital, la première étape consiste à en avoir connaissance. Il est donc essentiel de promouvoir une culture de déclaration d’incidents. Depuis 2012, le CHUV met en place des outils dans ce but.

Qu’est-ce que le RECI ?

Fruit d'une politique institutionnelle, le Recueil des événements critiques et indésirables (RECI) consiste à admettre que des incidents, tels que des problèmes lors de gestes opératoires, ou des erreurs de dosage ou d’administration de médicaments, peuvent se produire au sein d’un hôpital. En conséquence, il est nécessaire de signaler ces problèmes afin d’éviter qu’ils ne se reproduisent. La mise en œuvre du RECI s'appuie sur un outil informatique qui permet de répertorier les incidents, de même que les quasi-incidents, soit des problèmes évités de justesse et dont le signalement peut être utile à leur prévention.

Le Recueil des événements critiques et indésirables (RECI) consiste à admettre que des incidents peuvent se produire au sein d’un hôpital.

Comment le RECI est-il organisé au CHUV ?

Toute personne qui travaille dans un département du CHUV peut signaler un incident, qu’elle soit impliquée ou non. Le signalement s’effectue à l’aide d’un formulaire et peut rester anonyme. Le document est transmis à la personne responsable de la coordination RECI au sein du service ou du département concerné. L’incident est ensuite analysé par une équipe de spécialistes RECI, afin d’en comprendre toutes les causes et de proposer la mise en œuvre de mesures qui éviteront que l’événement ne se reproduise.

Quelles sont les conditions de réussite d’un tel outil ?

Partager un incident dont on est soi-même l’auteur n’est pas facile, pas plus que de signaler un problème dont on a été témoin. La pratique du RECI exige qu’une personne qui signale un incident soit certaine de ne pas subir de conséquences négatives. Sauf en cas d’acte intentionnel ou de négligence grave, le RECI implique un principe de non-punition. Au CHUV, l’auteur ou l'auteure d’un incident, de même que la personne qui l’a signalé sont assurés du soutien de l’institution dans leur démarche. Ce principe est indispensable au développement d’une culture du signalement; il se fonde sur la conviction qu’un incident n’est pas seulement le résultat d’une responsabilité individuelle, mais d’un environnement collectif dont il faut mettre à jour les mécanismes par une analyse systémique. Pour cette raison, le signalement d’un incident peut aussi être anonyme.

Par ailleurs, les personnes qui signalent un incident doivent avoir la garantie de recevoir un retour d’information sur les mesures prises pour améliorer la situation et prévenir de nouveaux incidents. L’absence de retour constitue un frein à la dynamique du RECI.

Recueil des événements critiques et indésirables - RECI


Nombre total de signalements

Nombre de signalements pour 100 personnes ayant accès à l'outil de signalement

Commentaires du graphique

Depuis la fin de l’année 2014, le RECI est déployé dans tous les services cliniques. Jusqu'en 2016, il a connu une augmentation progressive des signalements pour 100 personnes qui ont accès à l’outil. Le fléchissement observé en 2017 peut en partie s’expliquer par le retard que connaît l’analyse de certains événements recueillis. Les personnes qui les ont signalés n'ont pas reçu de retour, ou avec retard. Ce délai n’encourage pas les collaborateurs à signaler de nouveaux cas.

La baisse du nombre de déclarations peut également s'expliquer par le fait qu'en 2017, le déploiement du RECI dans les services cliniques était terminé. De ce fait, l’importance de déclarer les événements a été moins soulignée, avec pour conséquence un nombre de déclarations moins élevé. Des actions d’améliorations ont été entreprises avec la révision des processus de travail et une meilleure définition des responsabilités auprès des hiérarchies concernées.

Une analyse par type d’incidents montre que les chutes et les incidents liés aux médicaments sont les plus fréquents.

OBJECTIFS POUR 2018

En 2018, l’utilisation du système RECI sera simplifiée. Le but est qu'il soit plus léger, plus fluide et plus efficace. Cette évolution implique notamment de revoir l’organisation des processus de gestion, ainsi que les responsabilités de chaque intervenant; de suivre l’implémentation des mesures d’amélioration ainsi que les délais, et de simplifier la saisie des informations et des signalements dans l’outil informatique.

Parallèlement, ce changement sera accompagné par la mise en œuvre des actions relatives à « l’identitovigilance » dans les secteurs interventionnels (introduction systématique du bracelet d’identité, mise en place des processus de contrôle), ainsi que l'audit des pratiques déjà déployées comme, par exemple, l’application de la check-list de sécurité interventionnelle.

Prendre des médicaments en toute sécurité

Personnes de référence :

Jérémi Bulteel, Direction des soins

Monica Cosma Rochat, Direction médicale

Afin d'éviter les erreurs de médication, le CHUV a lancé en 2017 un programme d'analyse des risques dans ce domaine. Une démarche pionnière en Suisse.

Il y aurait en Suisse, chaque année, environ 20 000 hospitalisations dues à des erreurs de médication. Extrapolé à partir d'études américaines, ce chiffre montre qu'il est impératif de mettre en place une véritable politique de sécurité de la médication.


Les erreurs médicamenteuses proviennent de causes très diverses. De sa sortie d'usine à son administration à un patient, tout médicament suit un parcours constitué de plusieurs étapes. A chacune d'entre elles, des erreurs peuvent se produire. Un produit pharmaceutique peut avoir été mal acheminé, pour arriver au mauvais destinataire. Il peut être mal stocké et se détériorer. Deux médicaments peuvent avoir des noms très proches qui prêtent à confusion. Il arrive aussi que certains patients ou certaines patientes, lors de leur entrée à l'hôpital, oublient de préciser qu'ils ou elles prennent déjà un ou plusieurs médicaments. Cette lacune peut conduire un ou une médecin à prescrire sans le savoir un médicament qui provoquera un surdosage ou une interaction pharmacologique dommageable entre deux substances.

Un produit pharmaceutique peut avoir été mal acheminé, pour arriver au mauvais destinataire.

Afin de prévenir au maximum tout incident médicamenteux, la direction du CHUV a lancé, en 2017, un programme d'analyse des risques de ce type. Mené par un groupe qui réunit médecins, pharmaciens et personnel soignant, ce travail a d'abord consisté à identifier les moments les plus périlleux du parcours que suivent les médicaments. Le groupe de travail a notamment utilisé un outil d'analyse français très performant nommé InterDiag, en l'adaptant à la réalité suisse. Il s'est également servi du Recueil des événements critiques et indésirables, le RECI, qui répertorie les incidents qui se sont déjà produits au CHUV, de même que les erreurs qui auraient pu se produire (les presque incidents). A terme, le groupe de travail établira une cartographie précise des risques du processus médicamenteux au sein du CHUV. De cette manière, l’outil InterDiag sera complémentaire au RECI: alors que ce dernier permet la gestion a posteriori d’un incident avec la mise en place de mesures correctives, InterDiag permet de travailler en amont du risque pour la mise en place des actions préventives.

L'une des mesures peut consister à éviter de ranger les médicaments par ordre alphabétique.

Prévue pour 2018, l'étape suivante consiste à déployer InterDiag au sein de la centaine d'unités de soins que comprend le CHUV, afin de dessiner un plan d'action qui se déclinera en mesures concrètes. L'une des mesures peut consister, par exemple, à éviter de ranger les médicaments par ordre alphabétique. Placer le Tramadol® dans le même tiroir que le Toradol® augmente sensiblement le risque d'erreur. Il s'agit alors de mettre en place un système de rangement qui évite toute confusion entre deux produits presque homonymes.

Chaque service a cependant une manière d'administrer les médicaments qui correspond à sa discipline. C'est donc au sein de chaque service, voire de chaque unité, que se définiront les mesures concrètes les plus pertinentes à mettre en œuvre pour sécuriser la prescription des médicaments. La direction du CHUV tient à créer une dynamique forte, de façon à ce que les soignants impliqués directement dans le processus médicamenteux considèrent les actions d’amélioration comme une priorité.

Avec une communication structurée, les patients et patientes sont en sécurité

Personnes de référence :

Muriel Gasser, Direction des ressources humaines

Raul Prieto, Direction des ressources humaines

Nahid Yeganeh-Rad, Direction des soins

Afin d'assurer un bon échange d’informations cliniques, le CHUV a lancé un projet d’amélioration des transmissions orales.

Dans le but d’assurer la continuité des soins, les professionnels de la santé se transmettent les informations nécessaires plusieurs fois par jour. Cette transmission peut cependant se faire de façon incomplète, ou d’une manière qui porte à malentendu. D’ailleurs, lorsqu’un incident survient lors d’une prise en charge à l’hôpital, il y a plus d’une chance sur deux que son origine relève d’un problème de communication et de collaboration. Selon l’organisation Sécurité des patients Suisse, le nombre de décès en lien avec des événements indésirables (qu'ils soient ou non reliés à un problème de communication) représente entre 700 et 1700 décès chaque année.

Lorsqu’un incident survient lors d’une prise en charge à l’hôpital, il y a plus d’une chance sur deux que son origine relève d’un problème de communication.

Afin de prévenir les problèmes de transmission d'information entre professionnels de la santé, la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV) s’est mise en quête d’un outil spécifique. Elle s’est notamment penchée sur un instrument intitulé TeamStepps©, une méthode utilisée aux Etats-Unis aussi bien dans le domaine de l’aviation que dans l’armée. Recommandé par la Joint commission, organe de référence au niveau mondial, TeamStepps est également utilisé dans le domaine des soins. Depuis 2016, la FHV a traduit cette méthode en français, avant de mettre en œuvre une formation de formateurs pour cet outil.

Constitué de plusieurs volets, TeamStepps est un instrument complexe. La Direction générale du CHUV, associée à la Direction médicale et à la Direction des soins, en a retenu les aspects les plus adaptés au contexte de son institution. Les trois directions ont d’abord identifié les moments où la transmission d’information a le plus de risque de mal se produire. Elles ont ensuite pris la décision de lancer un programme de e-learning spécifiquement conçu pour ce domaine.

La formation e-learning proposée par le CHUV permettrait à d’autres hôpitaux romands et francophones d’en bénéficier.

Le Centre de formation du CHUV a conçu un enseignement à distance d’une durée de deux heures, destinée aux médecins comme au personnel soignant. Intitulée « Communication structurée, patient en sécurité, 5 outils issus de TeamStepps », cette approche pédagogique vise la mise en pratique des outils de communication grâce à des vignettes cliniques reproduisant des situations réelles. Ludique et interactif, le programme délivre un ensemble d’informations et de consignes nécessaires pour communiquer de façon adéquate selon les circonstances. L’une de ces consignes consiste, par exemple, à répéter systématiquement les informations transmises oralement d’une personne à une autre. Une autre consiste à suivre toujours le même ordre dans la manière de délivrer des éléments sur un patient.

Pionnière dans la culture hospitalière romande, la formation e-learning proposée par le CHUV permettrait à d’autres hôpitaux romands et francophones d’en bénéficier. Pensée comme un accompagnement aux équipes médico-soignantes, et non comme un ensemble de directives, elle a pour but de contribuer à un changement de culture au sein des professionnels du soin en Suisse romande. Un résumé des cinq outils structurés de communication orale, élaboré en collaboration avec le Service d'appui multimédia du CHUV est remis aux équipes après la formation en ligne. A la fin de l'année 2017, environ 200 collaborateurs et collaboratrices de l'hôpital s'étaient déjà formé-e-s avec l’e-learning.