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La prise en charge des brûlures graves

Lorsqu'elles sont étendues et profondes, les brûlures figurent parmi les lésions accidentelles les plus graves. Elles nécessitent une prise en charge complexe réalisée par une équipe interdisciplinaire.

Dans le domaine des brûlures, la gravité des blessures dépend de la surface corporelle atteinte, de la profondeur des brûlures et de l’âge du patient. En l’absence de soins spécialisés, les brûlures cicatrisent de façon pathologique, la récupération fonctionnelle est de moindre qualité, et les patients et patientes ont un risque de surmortalité. A cela s’ajoutent des séquelles psychologiques et socioprofessionnelles.

La prise en charge d'une personne brûlée nécessite de nombreux intervenants et intervenantes spécialisé-e-s.

Dès l’admission au CHUV d'une personne brûlée, la prise en charge nécessite de nombreux intervenants et intervenantes spécialisé-e-s. Le noyau de base comprend des infirmières et infirmiers spécialisé-e-s, des médecins intensivistes et des chirurgiennes et des chirurgiens plasticien-ne-s. Ces professionnels et professionnelles sont entouré-e-s d’anesthésistes, de physiothérapeutes, d’ergothérapeutes et de psychiatres.

Le CHUV prend en charge 65 à 80 personnes adultes brulé-e-s par année.

Au CHUV, les personnes gravement brûlées commencent toujours leur séjour au Centre des brûlés du Service de médecine intensive adulte, où elles sont suivies de manière continue. Leur état nécessite une prise en charge très précise, notamment pour la réanimation liquidienne et pharmacologique, ainsi que pour la nutrition. Les premières heures sont décisives pour la survie et la récupération des patients et patientes. Durant cette phase aiguë, l’organisme est totalement déséquilibré et très fragile. Le processus de réanimation est ainsi régi par un protocole strict.

Nombre de patients

Adultes

Patients brûlés toutes catégories

Patients avec brûlures graves

Patients avec brûlures remplissant les critères MHS

Enfants

Patients brûlés toutes catégories

Patients avec brûlures graves

Patients avec brûlures remplissant les critères MHS

Commentaires du graphique

Le CHUV prend en charge 65 à 80 personnes adultes brulé-e-s par année. Parmi elles, 40 à 50 nécessitent des soins intensifs, et 20 à 30 remplissent les critères MHS. Du côté des enfants, sur les 15 à 25 hospitalisés par an, 5 à 10 nécessitent des soins intensifs. En 2017, le nombre de patients et patientes adultes qui correspondent aux critères de la MHS s’est élevé à 28.

Pour correspondre aux critères MHS, il faut que les patients et les patientes présentent une surface brûlée égale ou supérieure à 10% de leur corps, et/ou un syndrome d’inhalation caractérisé par des lésions respiratoires.

La qualité de la prise en charge intégrée (réanimation et chirurgie) se mesure en comparant la durée de séjour aux soins intensifs d'un ou une patiente, par rapport à la surface de son corps brûlée. En effet, durant cette période décisive, si la réanimation, la nutrition, la prévention et le traitement des infections sont bien conduits et intègrent les interventions chirurgicales, la récupération du patient ou de la patiente est d’autant plus rapide et rend possible sa sortie des soins intensifs, afin de rejoindre une unité de soins standards.

Durée de séjour et nombre de décès

Adultes

Durée de séjour aux soins intensifs / surface brûlée

Nombre de décès

Enfants

Durée de séjour aux soins intensifs / surface brûlée

Nombre de décès

La filière des brûlés : une prise en charge spécifique pour les enfants

Personnes de référence :

Prof. Mette Berger, coordinatrice de la filière brûlés, Service de médecine intensive adulte & brûlés

PD Dr Anthony de Buys Roessingh, co-coordinateur de la filière brûlés, Service de chirurgie pédiatrique

La « filière brûlés » a permis la mise en lien de tous les intervenants de la chaîne de soins. Elle a entraîné une meilleure connaissance du rôle de chacun et une amélioration de la prise en charge des patients et des patientes.

En ce qui concerne plus spécifiquement les enfants, les accidents domestiques sont courants puisque 80% des brûlures surviennent à domicile, aux heures des repas et en présence des parents: le CHUV relève plus de 300 urgences de brûlures par année, 250 soins sous narcose pour débridements et pansements, et plus de 30 interventions chirurgicales avec greffe de peau.

Il est donc important que les durées d’hospitalisation soient limitées au strict minimum, afin que les enfants puissent réintégrer au plus vite leur famille et un rythme de vie normal dans un contexte familial habituel et rassurant. Afin que l’enfant retrouve rapidement sa famille, les greffes de peau de petite surface sont effectuées en ambulatoire avec une antalgie adéquate. Les traitements de physiothérapie, d’ergothérapie ou du suivi psychologique sont également dispensés en ambulatoire. Une brochure informative, établie par toutes les équipes intervenant dans cette prise en charge, a été conçue pour les enfants et leurs proches. Elle facilite la compréhension des différentes étapes de cette longue prise en charge.

L’accident par brûlure constitue un événement particulièrement traumatisant pour l’enfant et sa famille.

Les enfants gravement brûlés sont traités aux soins intensifs de pédiatrie, puis dans le Service de chirurgie de l’enfant et de l’adolescent.

L’accident par brûlure constitue un événement particulièrement traumatisant pour l’enfant et sa famille. Parmi les manifestations psychiques réactives les plus fréquentes, on retrouve l’angoisse, la dépression, les troubles du sommeil, des troubles alimentaires ou des troubles du comportement sous la forme d’inhibition, de passivité ou de comportement régressif. Ces réactions sont intimement liées aux ressources de chaque enfant et à son histoire affective et relationnelle avec sa famille.

Pour les grands brûlés, une culture de greffes de peau unique en Suisse

Personnes de référence :

Laurent Waselle - PhD, Chef de production, Centre de production cellulaire

PD Dr Anthony de Buys Roessingh, co-coordinateur de la filière brûlés, Service de chirurgie pédiatrique

Depuis 2012, le CHUV dispose d'un Centre de production cellulaire hautement spécialisé pour les greffes de la peau. Une compétence unique en Suisse et rare en Europe.

Lorsqu'une personne, adulte ou enfant, subit une brûlure profonde, il est nécessaire de recourir à des greffes. Si la surface de peau endommagée n'est pas trop importante, il est possible de prélever des parties de peau saine du patient pour les poser sur les parties brûlées. Mais si la brûlure a endommagé plus de 40% de la surface du corps, il est nécessaire de fabriquer des peaux de culture en laboratoire. Cette technique appelée CEA (culture d'épiderme autologue) a été utilisée pour la première fois en clinique en 1981 aux Etats Unis et en 1985 au CHUV par le Service de chirurgie plastique.

Le CHUV dispose d'un centre de production cellulaire spécialisé dans la culture de greffes de peau.

Depuis 2012, le CHUV dispose d'un centre de production cellulaire spécialisé dans la culture de ce type de greffes. Située à Epalinges, à quelques kilomètres du site hospitalier, cette infrastructure hautement technologique obéit de façon rigoureuse à la loi sur les produits thérapeutiques. Elle bénéficie de l'autorisation d'exploitation de Swissmedic. Unique en Suisse, le Centre de production cellulaire fournit des feuillets de peau pour les patients du CHUV comme pour les patientes et patients de l'Universitätsspital et du Kinderspital de Zurich.

Le développement d'une culture cellulaire de peau dure environ trois semaines. Le processus se déroule dans un environnement contrôlé et est suivi de façon très stricte par un personnel formé et qualifié. Le travail commence dès l'arrivée du patient ou de la patiente à l'hôpital, par le prélèvement d'une surface de peau saine (environ 10 cm2). Placées dans un environnement aseptique et nutritif, les cellules de cet échantillon vont se multiplier plus de 300 fois, pour atteindre en totalité plus de 3'000 cm2. Cette surface permettra de couvrir l'équivalent de la surface du dos du patient ou de la patiente. Pour greffer entièrement une personne brûlée à 40%, il est nécessaire de réaliser trois lots de greffes.

Dès que les nouveaux feuillets de peau sont prêts, ils peuvent immédiatement être emmenés au CHUV ou à l'hôpital de Zurich, afin d'être greffés sur le patient. Le Centre de production cellulaire d'Epalinges réalise ainsi les préparations pour 10 à 20 patients et patientes par année. Des hôpitaux français et allemands étant intéressés par cette compétence hautement spécialisée, ce nombre est susceptible d'augmenter.

L'hypnose, un service précieux pour les grands brûlés

Personne de référence

Maryse Davadant, infirmière, Service de médecine intensive adulte

Depuis 2004, le Service des soins intensifs du CHUV propose des séances d'hypnose aux patients et aux patientes qui le désirent. Avec de multiples bénéfices.

Chaque année, le CHUV s'occupe de soigner un peu plus de 50 personnes grièvement brûlées, adultes ou enfants. Ces patients et patientes nécessitent des soins quotidiens, notamment pour nettoyer leurs plaies. Malheureusement, ces traitements sont extrêmement douloureux. Les grands brûlés prennent alors des antidouleurs afin de vivre les soins dans les meilleures conditions possibles. Dans certains cas, la douleur est si intense qu'il est nécessaire de recourir à une anesthésie générale.

Lorsque les médicaments ne suffisent pas à rendre la douleur supportable, et lorsqu'on veut éviter de procéder une nouvelle fois à une anesthésie générale, les soins intensifs du CHUV proposent au patient ou à la patiente de recourir à l'hypnose. Le Service comprend une infirmière spécialisée, Maryse Davadant, qui intervient à la demande.

Les patients et les patientes qui recourent à l'hypnose augmentent leur tolérance à la douleur et se sentent moins anxieux.

Madame Davadant utilise une méthode d'hypnose non directive, dite « éricksonienne ». Cette méthode consiste à aider le ou la patiente à utiliser ses propres ressources face à la douleur. Il ou elle apprend à mettre des images sur ses sensations, et à les transformer. Utilisées au sein d'une relation de confiance indispensable entre patient et soignant, ces techniques plongent le ou la patiente dans un champ de conscience élargi, et lui permettent de maintenir la douleur à distance. Le ou la praticienne en hypnose joue ainsi essentiellement un rôle d'accompagnement, tout en favorisant une gestion toujours plus autonome de la douleur. Après quelques séances, certains patients parviennent à maîtriser la méthode de façon à pouvoir, si nécessaire, se passer d'une intervention extérieure.

En agissant sur l'activité cérébrale, l'hypnose permet au patient et à la patiente de contrôler des fonctions physiologiques.

Lorsqu'elle a commencé à pratiquer l'hypnose aux soins intensifs du CHUV en 2004, Maryse Davadant a immédiatement constaté des effets importants. Les patients et patientes qui recourent à l'hypnose augmentent leur tolérance à la douleur et se sentent moins anxieux. Ils peuvent diminuer les médicaments, de même que le recours aux anesthésies générales. Par ailleurs, leurs plaies cicatrisent plus rapidement, ce qui a pour conséquence de diminuer leur séjour à l'hôpital (et d'en réduire les coûts). Les effets de l'hypnose ne se font cependant pas seulement sentir chez les brûlés: lorsqu'un ou une praticienne intervient dans le Service des soins intensifs, le stress global de toute l'équipe soignante baisse. En 2006, le Centre romand des brûlés a effectué une étude portant sur 46 patients pendant un an, qui a permis de documenter ces différents impacts avec précision.

Les mécanismes précis de l'hypnose étant toujours mal connus, cette méthode garde encore une part de mystère. Son effet analgésique est cependant scientifiquement prouvé et documenté depuis longtemps par des études internationales. En agissant sur l'activité cérébrale, l'hypnose modifie la perception de la douleur et permet au patient de contrôler des fonctions physiologiques habituellement involontaires. L'état hypnotique est cependant un état naturel, que tout un chacun vit sans en avoir conscience, notamment lors des moments de grande concentration. Il n'y a donc pas de patient plus ou moins
« hypnotisable »: toute personne qui en a besoin peut bénéficier de cette méthode.