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La prévalence des escarres

Depuis 2011, sous l’égide de l’Association nationale pour le développement de la qualité dans les hôpitaux et les cliniques, une enquête annuelle de prévalence des escarres est organisée durant la même journée dans toutes les institutions de Suisse affiliées.

Chaque année au CHUV, une centaine d’enquêtrices et enquêteurs professionnel·le·s spécifiquement formé·e·s examinent la peau de 800 patientes et patients en moyenne, afin d’identifier le nombre de personnes souffrant d’escarres, que celles-ci soient nosocomiales (acquises durant le séjour à l’hôpital) ou déjà présentes lors de l’admission de la patiente ou du patient.

L’enquête précise également la gravité de l’escarre selon la classification suivante:

Catégorie 1: Erythème cutané sur une peau intacte, ne disparaissant pas à la levée de la pression.

Catégorie 2: Perte partielle de substance au niveau du derme, sous forme d’une phlyctène intacte ou non.

Catégorie 3: Perte complète de substance, mais les os, les muscles et les tendons ne sont pas exposés.

Catégorie 4: Perte complète de substance avec exposition des os, des tendons ou des muscles.

Le taux d’escarres du CHUV est comparé au taux suisse, tenant compte de tous les facteurs de risque (pathologies, durée de séjour, temps opératoire, immobilité, etc.). La comparaison permet de déterminer si le chiffre observé est, à population comparable, dans la norme suisse, ou s’il est significativement trop élevé.

Prévalence des escarres nosocomiales de 2 à 4

Nombre de patientes et patients observé·e·s

Taux du CHUV dans l'objectif

Taux du CHUV significativement au-dessus de l'objectif

Commentaires des résultats

Après l’augmentation du taux d’escarres observée en 2016, un nouveau plan a été élaboré. Les mesures de prévention, comme la mobilisation régulière, ont été renforcées chez les patientes et patients à risque. Ce plan d’action a porté ses fruits: les résultats de 2018 montrent un taux d’escarres de stade 2 à 4 qui se situe dans la norme.

Objectif pour 2019

En 2019, les mesures mises en place en 2017 et en 2018 seront poursuivies, avec pour objectif de maintenir ces bons résultats.

Un arsenal efficace contre les escarres

Le taux d’escarres au Service de médecine intensive adulte (SMIA)

Personne de référence: Anne Fishman, infirmière cheffe de service, Service de médecine intensive adulte

Suite à une recrudescence de lésions cutanées en son sein, le Service de médecine intensive adulte (SMIA) a mis en œuvre un nouveau programme de prévention. Avec un succès très net.

Avec le lancement d’un programme intitulé «Objectif zéro escarre» en 2008, le nombre des lésions cutanées au CHUV a baissé de façon très sensible. Au Service de médecine intensive adulte (SMIA), leur taux de prévalence est passé de 74% en 2009 à 33% cinq ans plus tard. La prévalence est une photographie qui compte sur une journée le nombre de patientes et patients porteuses et porteurs d’escarres par rapport au nombre de patientes et patients présent·e·s dans un service. Malheureusement, en 2016, le nombre de ces lésions est reparti fortement à la hausse au sein du SMIA, avec un taux de 63%.

Un dispositif beaucoup plus soutenu

Tout en maintenant l’objectif exigeant d’éradiquer totalement les escarres, le SMIA a mis en œuvre un plan d’action qui s’est révélé beaucoup plus performant. Intitulé «bundle escarres» (le «paquet escarres»), ce dispositif consiste à prévenir ces lésions de façon très rigoureuse. Le programme précédent cherchait bien à éviter l’apparition d’escarres, avec un travail important sur le dossier de chaque patiente et patient, ainsi que sur les protocoles, mais son application s’est révélée trop aléatoire. La nouvelle stratégie cherche à agir de manière plus concertée entre professions médicales et soignantes; elle se fonde par ailleurs sur l’idée qu’un ensemble d’actes modestes, même s’ils paraissent aussi ténus qu’un battement d’ailes de papillon, peuvent en définitive aboutir à de grands effets.

L’une de ces actions consiste par exemple à changer la position des patientes et patients de façon extrêmement régulière et disciplinée. Les escarres apparaissent lorsqu’une personne reste trop longtemps dans la même posture, notamment dans son lit d’hôpital. L’objectif «zéro escarre» prévoit déjà de mobiliser régulièrement les patientes et patients, mais pour diverses raisons il arrivait que l’un ou l’autre reste trop longtemps dans la même position, et de ce fait développe une lésion cutanée. Baptisée «1,2,3 on tourne», la nouvelle mesure demande au personnel soignant de tourner chaque patiente et patient dans son lit selon un horaire préétabli (et quelles que soient les circonstances).

Impliquer les cadres

Le nouveau «bundle escarre» comprend également un suivi très régulier. Chaque semaine, toutes les patientes et tous les patients qui souffrent d’une lésion cutanée reçoivent la visite d’une équipe soignante composée d’une infirmière ou d’un infirmier clinicien·ne spécialisé·e (ICLS), accompagné·e d’une infirmière ou un infirmier chef·fe d’unité de soins (ICUS). Par ailleurs, un tableau mensuel affiché dans l’unité comptabilise les jours où de nouvelles escarres apparaissent dans chaque unité du service. Très visuelle, cette cartographie permet de voir, au jour le jour, que peu de patientes et patients développent de nouvelles escarres. Cette cartographie permet aussi d’effectuer un décompte précis à l’année du nombre de patientes et patients du service qui développent une escarre.

Une baisse très nette

Additionnées progressivement, ces mesures ont permis une baisse très sensible du nombre d’escarres au SMIA. Des 63% de l’année 2016, le taux de prévalence a été divisé par plus de trois: il est descendu à 29% en 2017, puis 11,5% en 2018.

Enfin, grâce à la cartographie, il est désormais acquis que, par rapport au nombre de patientes et patients qui fréquentent ce service, moins de 10% développent des lésions cutanées pendant leur séjour.

Pour atteindre «zéro escarre», il reste encore à examiner le parcours de chaque patiente et patient au sein de l’hôpital, afin d’identifier tous les moments où les lésions apparaissent. Il arrive par exemple qu’une patiente ou un patient pour qui les escarres ont d’abord pu être évitées développe ensuite une lésion cutanée pendant une opération. Il faut donc se centrer sur la patiente ou le patient et améliorer encore la collaboration entre les équipes des différents services. Parfois cependant, quels que soient les efforts fournis par les équipes médicales et soignantes, contracter une escarre peut être le prix à payer pour rester en vie.