Les recherches présentées dans ce chapitre sont une illustration de la richesse et de la diversité des travaux scientifiques menés au sein de l’institution ; elles ne constituent nullement une liste exhaustive.
Pour la première fois, un primate présentant une blessure de la moelle épinière a recouvré le contrôle de sa jambe paralysée grâce à un système neuroprosthétique. Cette interface « cerveau-moelle épinière » court-circuite la lésion, rétablissant la communication entre le cerveau et la moelle épinière et donc les mouvements de la jambe.
L'interface neuroprosthétique a été conçue à l’EPFL sous la direction de Grégoire Courtine. Elle a été développée grâce à un réseau international incluant Medtronic, la Brown University et Frauenhofer ICT-IMM. Les tests ont été menés en collaboration avec l'Université de Bordeaux, Motac Neuroscience et le CHUV. Les résultats ont été publiés le 9 novembre 2016 dans Nature.
Les défis sont encore nombreux et peut-être plusieurs années seront nécessaires avant que la partie cérébrale de l’implant puisse être testée sur des êtres humains Pour l’instant une étude clinique conduite au CHUV par la Prof. Jocelyne Bloch, médecin adjointe au Service de neurochirurgie, permet de tester les effets thérapeutiques de la partie spinale de l'interface chez des personnes atteintes d'une blessure de la moelle épinière.
A brain–spine interface alleviating gait deficits after spinal cord injury in primates. Capogrosso M., Milekovic T., Borton D., Wagner F., Moraud E.M., Mignardot J.-B., Buse N., Gandar J., Barraud Q., Xing D., Rey E., Duis S., Jianzhong Y., Ko W.K.D., Li Q., Detemple P., Denison T., Micera S., Bezard E., Bloch J., Courtine G. Nature (2016); 539:284–288.
Les équipes des Prof. Andrea Superti-Furga du Centre des maladies moléculaires du CHUV et Roland Baron de l’Université de Harvard ont publié le 30 juin 2016 dans le New England Journal of Medicine une recherche qui lève le voile sur les mécanismes de fabrication de nos os et ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement de l'ostéoporose.
Les Dr Pelin Simsek Kiper, Hiroki Saito et Francesca Gori ont étudié les données génétiques de quatre patients atteints de la maladie de Pyle, une pathologie osseuse héréditaire très rare. Ils ont ainsi pu démontrer que, chez ces personnes, seule la partie spongieuse de l’os se développe normalement. Au contraire, la partie corticale, qui donne forme et stabilité aux os, voit sa production bloquée par une mutation génétique. Cette étude prouve donc que, contrairement à ce que l’on pensait, l'os spongieux et l'os cortical sont produits par des mécanismes différents.
Cette première étape achevée, les équipes de Lausanne et de Harvard ont essayé de relancer la production d'os cortical en testant sur des souris deux médicaments encore au stade expérimental. Les résultats sont très prometteurs. L’efficacité du traitement doit maintenant être confirmée pour l’être humain. Si cela est le cas, cette découverte pourrait être utile dans le traitement de l’ostéoporose, une maladie très courante chez les personnes âgées.
Il arrive ainsi que l'étude de maladies rares soit non seulement bénéfique aux individus atteints, mais fasse également avancer le traitement de pathologies plus fréquentes !
Cortical-Bone Fragility - Insights from sFRP4 Deficiency in Pyle's Disease. Simsek Kiper P.O., Saito H., Gori F., Unger S., Hesse E., Yamana K., Kiviranta R., Solban N., Liu J., Brommage R., Boduroglu K., Bonafé L., Campos-Xavier B., Dikoglu E., Eastell R., Gossiel F., Harshman K., Nishimura G., Girisha K.M., Stevenson B.J., Takita H., Rivolta C., Superti-Furga A., Baron R., The New England Journal of Medicine (2016); 374:2553-2562.
Malgré les progrès accomplis, les traitements contre le VIH ne permettent toujours pas d'éliminer complètement les cellules infectées. En effet, le virus a la capacité de disparaître des radars du système immunitaire en se dissimulant dans certaines cellules telles que les lymphocytes T CD4. Celles-ci deviennent alors un « réservoir du virus », contraignant les personnes atteintes à suivre un traitement toute leur vie.
Or, les lymphocytes T CD4 constituent une population cellulaire très hétérogène et le phénotype des cellules infectées par le VIH était resté une énigme, jusqu'à l’étude dirigée par les Prof. Matthieu Perreau et Giuseppe Pantaleo, du Service d'immunologie et allergie.
Les chercheurs ont réussi à démontrer que le VIH se cache majoritairement dans les lymphocytes T folliculaires localisés au sein des centres germinatifs des ganglions lymphatiques. Ces cellules représentent une minorité, environ 1%, des lymphocytes T CD4 des ganglions lymphatiques, mais elles constituent le principal réservoir du virus.
Ces observations vont favoriser le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques ciblant directement le réservoir du VIH. Son élimination pourrait ainsi permettre le contrôle de l'infection en l’absence de thérapie antirétrovirale et éventuellement la guérison complète des patients.
Cette étude réalisée en collaboration avec le Service des maladies infectieuses, le Service de chirurgie vasculaire et l'Institut universitaire de pathologie du CHUV a été publiée dans la revue Nature Medicine.
PD-1 and follicular helper T cells are responsible for persistent HIV-1 transcription in treated aviremic individuals. Banga R., Procopio F.A., Noto A., Pollakis G., Cavassini M., Ohmiti K., Corpataux J.-M., de Leval L., Pantaleo G., Perreau M., Nature Medicine (2016); 22:754–761.
Le glioblastome est la tumeur maligne primitive du cerveau la plus fréquente. Elle est aussi la plus agressive et la plus létale: le taux de survie à cinq ans est inférieur à 5%. Les glioblastomes renferment une sous-population de cellules, dites cellules souches, capables de se renouveler, d'initier une tumeur et de se différencier. Elles seraient les principales responsables de la résistance aux thérapies.
Dans ses travaux publiés dans Cell Reports, l'équipe du Prof. Ivan Stamenkovic de l'Institut universitaire de pathologie a cherché à mieux comprendre les processus impliqués dans l'établissement et le maintien des cellules souches du glioblastome. Les chercheurs ont découvert que la régulation de la fonction d'une famille de microRNAs serait à l'origine du mécanisme de reprogrammation qui accompagne la transformation et le développement des cellules souches cancéreuses.
La famille des microRNAs baptisée « let-7 » provoque la différenciation des cellules souches normales en dégradant la transcription de ses gènes cibles, dont plusieurs sont impliqués dans l’oncogenèse. Cependant, malgré une expression élevée de let-7, la plupart des gènes cibles restent également hautement exprimés dans les cellules souches du glioblastome; leur transcription est en effet protégée de la dégradation par une protéine nommée IMP2. Cette protection empêche la différenciation des cellules et participe ainsi au maintien de leur plasticité. La compréhension de ce mécanisme pourrait à terme offrir de nouvelles cibles thérapeutiques.
The RNA Binding Protein IMP2 Preserves Glioblastoma Stem Cells by Preventing let-7 Target Gene Silencing. Degrauwe N., Schlumpf T.B., Janiszewska M., Martin P., Cauderay A., Provero P., Riggi N., Suvà M.-L., Paro R., Stamenkovic I., Cell Reports (2016); 15(8):1634-1647.
Privés de peau à certains endroits de leur corps et immunodéprimés, les grands brûlés sont extrêmement vulnérables aux bactéries. De nos jours, grâce aux progrès thérapeutiques, leurs chances de survie face au choc induit par la brûlure ont notablement augmenté, mais les infections, qui peuvent survenir jusqu’à plusieurs mois après l’hospitalisation, représentent toujours un risque important.
Un consortium de chercheurs suisses a travaillé sur un pansement biologique capable d'accélérer la cicatrisation des blessures, et surtout d'empêcher ces bactéries de proliférer. Ils se sont attaqués à la redoutable Pseudomonas aeruginosa, principale cause des infections et des décès chez les grands brûlés.
La technologie se base sur un bandage biodégradable fait de collagène animal contenant des cellules progénitrices de peau issues d’une banque cellulaire clinique. Mis au point par un groupe de chercheurs du CHUV en 2005, ces pansements permettaient jusqu'ici d'accélérer la cicatrisation des blessures, mais ils ne protégeaient pas des microbes. Les scientifiques ont découvert qu'en combinant ces pansements avec des molécules particulières appelées dendrimères, il était possible non seulement de favoriser la guérison des tissus, mais surtout de stopper les infections.
Cette étude a été publiée le 25 février 2016 dans la revue Nature Scientific Reports. Elle a été réalisée par une plateforme de recherche soutenue par SwissTransMed et dirigée par la Prof. Lee Ann Laurent-Applegate, directrice de l'Unité de thérapie cellulaire, ainsi que par le Prof. Wassim Raffoul, chef du Service de chirurgie plastique et de la main. Elle réunit le Centre romand des brûlés du CHUV, les hôpitaux universitaires de Zurich et de Genève, l'EPFL ainsi que les universités de Lausanne, de Genève et de Berne.
Le nouveau bandage va maintenant faire l'objet de tests sur des animaux à Zurich, avant de pouvoir faire son entrée dans les cliniques.
Anti-Microbial Dendrimers against Multidrug-Resistant P. aeruginosa Enhance the Angiogenic Effect of Biological Burn-wound Bandages. Abdel-Sayed P., Kaeppeli A., Siriwardena T., Darbre T., Perron K., Jafari P., Reymond J.-L., Pioletti D.P., Applegate L.A., Nature Scientific Reports (2016); 6:22020.
Le BEST, Bureau d’échange des savoirs pour des pratiques exemplaires de soins, est un partenariat entre quatre institutions:
Sa mission est de promouvoir l’émergence de pratiques de soins fondées sur des résultats probants, ou Evidence-Based Practice (EBP). Le BEST se base essentiellement sur le modèle du Joanna Briggs Institute (JBI), organisme australien mondialement reconnu. En 2016, le bureau a d’ailleurs reçu son accréditation en tant que centre d’excellence du JBI.
Les activités du BEST se déploient dans deux domaines: la synthèse des résultats de recherche avec la réalisation de revues systématiques et de recommandations de pratiques cliniques (guidelines), et l’implantation de ces recommandations dans les soins.
En 2016, le BEST a publié trois revues systématiques. Elles traitent de l’efficacité d’interventions mono ou multidisciplinaires lors de néphropathie diabétique1, du retour au domicile des patientes et patients âgés2 ou encore de la fonction sensorielle et motrice du bras après un accident vasculaire cérébral3. Le bureau a aussi publié un guideline sur la prévention et le traitement de la douleur de l’épaule après un accident vasculaire cérébral.
Dans le contexte actuel de réformes du système de santé, l’EBP apparaît comme une stratégie clé. Les activités développées par le BEST permettent d’offrir aux patientes et aux patients des soins scientifiquement fondés, sûrs, qui améliorent la qualité des prestations soignantes et permettent une utilisation plus adéquate des ressources disponibles, ce qui peut aussi conduire à une possible diminution des coûts.
1. Multidisciplinary management of diabetic kidney disease: a systematic review and meta-analysis. Helou N., Dwyer A., Shaha M., Zanchi A., JBI Database of Systematic Reviews & Implementation Reports (2016); 14(7):169-206.
2. Effectiveness of nursing discharge planning interventions on health related outcomes in elderly inpatients discharged home: A systematic review.: A systematic review. Mabire C., Monod S., Dwyer A., Pellet J., JBI Database of Systematic Reviews & Implementation Reports(2016); 14(9):217-260.
3. Effectiveness of temporary deafferentation of the arm on somatosensory and motor functions following stroke: A systematic review. Opsommer E., Zwissig C., Weiss T., JBI Database of Systematic Reviews & Implementation Reports (2016); 14(12):226-257.
4. La prévention et le traitement de la douleur de l’épaule après un accident vasculaire cérébral (AVC). Opsommer E., Knutti I.A., Zwissig C., Eberlé G., Projet BEST (2016); 37.
Le BEST met également en œuvre la formation JBI au leadership clinique pour l’implantation des EBP. Neuf projets ont débuté en 2016 dans six départements du CHUV. Ils portent sur diverses pratiques soignantes, comme l’évaluation infirmière du patient à son entrée en chirurgie septique, la prévention des douleurs du mamelon après un accouchement, l’amélioration de la qualité du sommeil en soins intensifs.