Le tube digestif humain abrite une communauté de micro-organismes appelée
microbiote intestinal. Jouant un rôle très important pour notre santé, cet
écosystème complexe et dynamique est devenu une cible thérapeutique en
situation pathologique.
La transplantation de microbiote fécal consiste à transférer le microbiote d’un volontaire sain vers une patiente ou un patient en vue d’exercer des effets thérapeutiques. A ce jour, la seule indication de cette transplantation reconnue au niveau international est l’infection récidivante à Clostridioides difficile. Responsable de diarrhées aiguës potentiellement sévères, cette infection bactérienne nécessite de fréquentes hospitalisations qui s’accompagnent d’une augmentation du risque de mortalité.
Inscrit au Plan stratégique du CHUV, le projet de centre de transplantation de microbiote fécal est porté par le Service des maladies infectieuses en étroite collaboration avec le Service de pharmacie. Actuellement opérationnel, le centre comporte trois axes: la sélection des donneuses et donneurs de microbiote intestinal (l’un des aspects les plus complexes), la production du médicament et la prise en charge des patientes et patients.
En Suisse, le CHUV est le seul centre à avoir déposé une demande d’autorisation sur le marché conformément aux nouvelles exigences de la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh). Cette demande d’autorisation a été une nouvelle fois déposée en 2023. L’autorisation devrait être obtenue avant la fin de l’année 2024. Il s’agirait d’une première pour une institution publique. En parallèle, une demande de remboursement de ce traitement si particulier a été demandée en 2023 auprès de l’Office fédéral de la santé publique. Les perspectives de recherche et d’utilisation dans d’autres pathologies pour lesquelles le microbiote intestinal joue un rôle majeur sont immenses.
L’augmentation du nombre d’infections résistantes aux antibiotiques et le ralentissement dans la découverte de nouveaux antibiotiques représentent un enjeu majeur de santé publique. Les bactériophages, ou phages, représentent un traitement alternatif prometteur. Malgré une expérience clinique de plus de 100 ans en Europe de l’Est, qui plaide en faveur d’un traitement sûr et bien toléré, la phagothérapie est aujourd’hui encore considérée comme un traitement expérimental. Elle regagne cependant en intérêt, en particulier comme traitement alternatif contre les infections résistantes aux antibiotiques.
Les bactériophages sont des virus qui infectent et détruisent des bactéries pour survivre. Les phages sont sélectionnés en fonction de leur activité contre le pathogène associé à l’infection spécifique de la patiente ou du patient. Contrairement aux antibiotiques, les phages ne peuvent infecter que spécifiquement des bactéries et, par conséquent, ne perturbent pas la flore «bénéfique» présente dans notre corps. De ce fait, la phagothérapie est mieux tolérée et accompagnée de moins d’effets secondaires que les antibiotiques, beaucoup moins sélectifs. La phagothérapie représente ainsi un traitement personnalisé des maladies infectieuses.
Malgré des avantages connus, la phagothérapie doit aujourd’hui démontrer son efficacité par des études cliniques chez l’homme. Depuis le printemps 2021, le CHUV a soutenu la mise en place d’un programme de phagothérapie personnalisée destinée aux patientes et patients souffrant d’infections bactériennes extrêmement résistantes et qui se trouvent devant une impasse thérapeutique. Ce programme institutionnel comprend toutes les étapes de la phagothérapie: identification des personnes éligibles, recherche de phages actifs puis production et purification des phages. Le traitement sera enfin administré dans le contexte d’un essai clinique de phase I qui débutera en 2025.
Les phages actifs sont identifiés au sein de la collection de phages du Laboratoire de bactériophages et de phagothérapie du CHUV. Leur administration est préparée au Centre de production cellulaire du CHUV selon les bonnes pratiques de fabrication (BPF). Cette procédure suit une monographie approuvée par Swissmedic en juin 2023. Il s’agit d’une étude pionnière de phagothérapie personnalisée en Suisse, qui représente une étape importante et nécessaire vers l’autorisation de la phagothérapie en tant que traitement approuvé contre les infections résistantes aux antibiotiques ou difficiles à traiter.
Centre de recherche
et d’innovation en neurosciences et en neurochirurgie issu de la collaboration
entre le CHUV, l’UNIL et l’EPFL, NeuroRestore a marqué l’année 2023 en
réalisant deux avancées médicales majeures.
La première percée consiste en la création d’un «pont digital» reliant électroniquement le cerveau d’un patient paraplégique à sa moelle épinière sous-lésionnelle. Grâce à cette neuroprothèse, le patient peut transformer ses pensées en action, ce qui lui a permis de retrouver la capacité de marcher de manière naturelle et adaptative. Il lui suffit désormais de penser à marcher pour que sa neuroprothèse s’active et stimule sa moelle épinière, lui offrant ainsi une nouvelle perspective de vie.
La seconde percée concerne un patient atteint de la maladie de Parkinson. A un stade avancé, cette maladie entraîne des troubles sévères de la marche, provoquant de multiples chutes quotidiennes qui empêchaient ce patient de quitter sa maison. Malgré les médicaments dopaminergiques et la stimulation cérébrale profonde déjà en place, ses problèmes demeuraient insolubles. NeuroRestore a conçu une neuroprothèse qui stimule la région de la moelle épinière responsable du contrôle de la marche. Cette prothèse a corrigé les troubles de la marche et le blocage des jambes dont souffrait le patient, lui offrant la possibilité de récupérer une démarche stable et sans chutes.
Ces deux découvertes médicales révolutionnaires ouvrent de nouvelles perspectives dans des domaines de la neuroréhabilitation qui étaient jusqu’à présent dépourvus de solutions efficaces. Il faut toutefois souligner qu’avant que ces traitements novateurs ne deviennent accessibles à toutes les personnes qui en ont besoin, il reste nécessaire de réaliser des études cliniques de plus grande envergure, impliquant un nombre significatif de participantes et participants. Cette étape cruciale constitue un des objectifs principaux des chercheuses et chercheurs de NeuroRestore et de la société Onward Medical, fondée en 2014 et implantée dans le canton de Vaud, qui se consacre au développement de ces nouvelles neuroprothèses, avec la vision de les rendre accessibles à l’ensemble des personnes nécessitant ces avancées médicales.
Le NeuroRehab Research Center a pour mission d’atteindre l’excellence dans la recherche en neurosciences, d’encourager l’innovation en neurotechnologie et de l’intégrer dans la neuroréhabilitation clinique. Inauguré en novembre 2023 à l’hôpital de Lavigny, le centre est le pilier de recherche du Service universitaire de neuroréhabilitation (SUN). Cette structure a été créée par le CHUV, la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne, l’Institution de Lavigny et le canton de Vaud dans le but d’améliorer la prise en charge des patientes et des patients et de répondre aux besoins actuels et futurs.
Le centre de recherche est équipé de technologies de pointe pour des projets de neurosciences fondamentales et cliniques. Ces technologies comprennent entre autres l’électroencéphalographie, l’interface cerveau-machine, la réalité virtuelle, les stimulations magnétiques transcrâniennes, la conduction électrique neuromusculaire, la stimulation multisensorielle, la conception des exosquelettes et les systèmes de capture de mouvement.
Le NeuroRehab Research Center dispose d’une équipe multidisciplinaire de neuroscientifiques, cliniciennes et cliniciens, développeuses et développeurs. Leurs projets cherchent à comprendre les origines des troubles sensorimoteurs et cognitifs puis à développer des méthodes pour les traiter.
En 2023, l’équipe du centre a mené les travaux
suivants:
Afin d’intégrer les résultats scientifiques dans la pratique clinique, le NeuroRehab Research Center coordonne SwissNeuroRehab. Regroupant plus de 30 partenaires académiques, cliniques et industriels, ce projet phare d’Innosuisse vise à développer un nouveau modèle de soins en neuroréhabilitation, enrichi par les neurotechnologies numériques. Afin d’étendre cette innovation au niveau international, SwissNeuroRehab a inspiré NeuroRehab4EU. Financé par Transforming Health and Care Systems (THCS), ce projet européen réunira des partenaires suisses, italiens et français.
La médecine hautement spécialisée comprend les soins cliniques particulièrement complexes, qui demandent des compétences pointues et font appel à une technique très sophistiquée. Ces traitements se caractérisent également par un grand besoin d’innovation. De ce fait, il est indispensable de regrouper les compétences et les équipements nécessaires dans les hôpitaux capables de les prodiguer en respectant les standards de qualité. Les cantons ont adhéré à la Convention intercantonale relative à la médecine hautement spécialisée (CIMHS) qui attribue aux hôpitaux des mandats de prestation dans les 40 domaines de médecine hautement spécialisée. Le CHUV a obtenu le mandat pour 27 domaines, ce qui en fait l’hôpital le plus «titré» avec l’Inselspital de Berne.
En 2023, le CHUV a obtenu le renouvellement de ses mandats dans les domaines MHS de «neurologie, neurochirurgie et neuroradiologie complexes». De plus, il a obtenu le mandat pour le nouveau domaine MHS «dispositifs d’assistance ventriculaire chez l’adulte». Lorsque la fonction cardiaque d’une patiente ou un patient semble irréversiblement altérée, un système mécanique d’assistance ventriculaire peut être implanté. Placé dans le thorax, ce système est constitué d’une pompe qui permet de conserver l’aptitude à pomper d’un cœur ne pouvant fonctionner efficacement tout en délivrant un débit continu du sang vers l’aorte. Ce système est alimenté par un câble qui passe à travers la peau jusqu’à une batterie externe portée par la personne soignée.
En 2023, douze personnes ont bénéficié de cette technologie au CHUV. Certaines d’entre elles sont en attente d’une greffe cardiaque. Les autres, non éligibles à la greffe, ont reçu l’implant à titre définitif. La miniaturisation et la fiabilité des nouveaux systèmes d’assistance circulatoire, leur simplicité d’utilisation ainsi que l’autonomie de ces nouvelles machines autorisent aisément un retour à domicile avec une qualité de vie proche de la normale.