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Développer les systèmes d’information

Tout en étant de nouveau fortement impactée par la pandémie de SARS-CoV-2, la Direction des systèmes d’information (DSI) a continué de développer son infrastructure de données redondante et s’est officiellement raccordée au dossier électronique du patient (DEP). Le projet de Swiss Personalized Health Network (SPHN) a également franchi des étapes majeures.

Mesures informatiques en période de COVID-19: la DSI collabore avec Unisanté

Fin 2020, la Direction des systèmes d’information a été chargée de choisir le système d’information du programme cantonal vaudois de vaccination contre le COVID-19, puis de le mettre en place selon les directives de la Confédération.

Après avoir évalué diverses options, la DSI a décidé de réutiliser le plus possible les systèmes d’information opérationnels chez divers acteurs de santé cantonaux (en particulier ceux d’Unisanté, du CHUV et des hôpitaux de la Fédération des hôpitaux vaudois). Il était en effet possible de les compléter avec des systèmes centralisés qui permettent de remplir l’ensemble des fonctions requises: information, test d’éligibilité, prise de rendez-vous en ligne ou par la hotline cantonale, suivi du processus de vaccination, génération des certificats, etc

Des protections contre les surcharges ont permis d’absorber les pics de demandes.

Ces systèmes ont été mis en place en un temps record grâce aux équipes d’informatique d’Unisanté (responsables d’applications spécifiques telles que CoronaVax, VacoViD) et aux collaboratrices et collaborateurs de la DSI (en charge de l’infrastructure et des prises de rendez-vous). Des protections spécifiques contre les surcharges ont permis d’absorber les pics de demandes qui ont eu lieu au début de la campagne. Par la suite, ces systèmes ont dû être régulièrement modifiés afin de les adapter à l’évolution des règles en vigueur (par exemple sur les critères d’éligibilité) comme aux stocks de vaccins disponibles. Puis de nouveaux besoins ont été intégrés, comme la génération des certificats COVID-19. La mise en place et l’exploitation de cet environnement ont demandé un travail considérable et une grande flexibilité de la part de toutes les équipes d’informatique impliquées. Un des facteurs déterminants du succès de cette opération a été leur excellente collaboration tout au long de l’année 2021.

Consultez le détail des mesures mises en place au CHUV dans la Rétrospective COVID-19.

Pour garantir la marche du CHUV, une gigantesque bibliothèque de données

Personne de référence

Patrice Bonnet, responsable infrastructures IT, Direction des systèmes d’information

Afin d’assurer en tout temps une accessibilité des données numériques, la Direction des systèmes d’information a mis en place une infrastructure qui dédouble en permanence un volume d’informations vertigineux. Et qui ne peut qu’augmenter.

On ne sait pas toujours quel volume un gigaoctet (Go) représente en informatique. On sait seulement qu’on peut stocker beaucoup d’informations, de textes, de vidéos sur son ordinateur ou son smartphone. On sait encore moins qu’un téraoctet (To) représente mille fois plus d’espace de stockage qu’un Go. Que dire alors de ce que représente un pétaoctet (Po)? En 2021, les serveurs informatiques du CHUV hébergeaient en leur sein trois Po de données. Qu’est-ce que cela signifie? C’est simple: un téraoctet représente l’information contenue dans 250’000 romans de 500 pages. Or un Po vaut 1000 To. Autrement dit, le volume d’informations qu’abrite le CHUV aujourd’hui équivaut à 750 millions de livres. C’est 45 fois plus que n’en contient la Bibliothèque nationale de France.

Un système de duplication tous azimuts

«Toutes les données informatiques du CHUV doivent être accessibles par énormément de personnes à la fois, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24», explique Patrice Bonnet, responsable des infrastructures IT à la Direction des systèmes d’information. «Si des machines tombent en panne, il faut quand même que cet accès reste possible.» Propre à tout établissement hospitalier, cet impératif permet en bonne partie d’expliquer la masse de données nécessaires. Afin de garantir une accessibilité permanente, la DSI a dû mettre en place un système de duplication de très haut niveau. En langage informatique, ce dispositif porte le doux nom d’«infrastructure de données redondante». Enregistrées sur un premier lot de serveurs, les informations générées par l’activité du CHUV sont également copiées sur un autre groupe de machines. Au cas où les premiers serveurs deviennent inaccessibles, les seconds peuvent immédiatement prendre le relais. Une grande partie des données stockées sont des doublons.

La gestion de ces copies est réalisée entre deux data centers séparés de plusieurs kilomètres l’un de l’autre.

«Nous avons mis en place un dispositif qui sécurise les données en les enregistrant plusieurs fois», précise Patrice Bonnet. Une duplication qui s’effectue sous plusieurs formes: données «en miroir», «backup», «snapshot», réplication, etc. Depuis deux ans, chaque fichier généré au sein du CHUV, qu’il s’agisse d’un e-mail, un document Word ou une photo de laboratoire, fait instantanément l’objet d’une synchronisation tous azimuts. La gestion de ces copies est réalisée entre deux data centers séparés de plusieurs kilomètres l’un de l’autre et qui abritent 1600 serveurs virtuels informatiques, en plus des 2200 disques durs sur lesquels les données sont inscrites. C’est un peu comme si on avait construit des dizaines de Bibliothèques nationales de France sur plusieurs sites afin de garantir les emprunts dans toutes les situations de rupture possibles.

Dans le cas du CHUV, les dangers qui pèsent sur la disponibilité des données sont de plusieurs ordres. Les pannes représentent une menace relative. Si un serveur ou un disque ne fonctionne plus, un autre prend immédiatement sa place. Les incendies représentent bien un danger potentiel, mais des capteurs d’incendie veillent à la moindre fumée et jusqu’à présent aucun feu n’est encore survenu dans un data center du CHUV. Deux autres menaces revêtent en revanche une plus grande probabilité: «La menace la plus importante est l’erreur humaine», selon Patrice Bonnet. «Même si nous mettons en œuvre des dispositifs pour nous en prémunir, il pourrait arriver qu’un ingénieur commette une mauvaise manipulation sur un système ou qu’un utilisateur efface ou modifie toute une série de données.» Enfin, comme tous les grands établissements hospitaliers aujourd’hui, le CHUV peut subir des attaques informatiques. La DSI a mis en place des protections performantes, mais la menace est quotidienne et demande une architecture de stockage qui rend la prise d’otage des données extrêmement difficile.

Une numérisation toujours croissante

Mais si le CHUV doit aujourd’hui protéger un si grand volume d’informations numériques, c’est aussi parce que son activité dépend de plus en plus de données numérisées. En 2021, le travail hospitalier reposait déjà sur plus de 250 applications différentes. Tandis que Soarian gère les données médicales, Axya sert à la gestion administrative du patient, Molis aux analyses de laboratoire, Digistat aux blocs opératoires, Metavision aux soins intensifs, et ainsi de suite pour la bureautique, la logistique, la restauration, la communication, etc. Les équipements techniques du nouveau bloc opératoire montrent bien les besoins croissants en vidéo et en imagerie que nécessitent les techniques médicales contemporaines. Quant au développement de la recherche, notamment en génomique où le CHUV est à la pointe, il implique aussi un espace d’archivage toujours plus grand. «Nous prévoyons une augmentation des données d’un pétaoctet par année, avance Patrice Bonnet. Et pour l’instant, le stockage n’a pas de limite dans le temps.» Heureusement qu’à l’inverse les supports de mémoire, eux, prennent de moins en moins de place. Les deux data centers principaux actuels devraient donc encore suffire pour un certain nombre d’années.

Le CHUV se raccorde officiellement au dossier électronique du patient de l’association CARA

Suite à la certification de l’association de référence CARA au printemps 2021, le CHUV a mené l’ensemble des activités organisationnelles et informatiques nécessaires pour permettre un raccordement de l’hôpital au dossier électronique du patient. La loi fédérale oblige les établissements de soins aigus à y participer. CARA est une association créée par les cantons de Vaud, Valais, Genève, Fribourg et Jura afin de promouvoir la santé numérique en Suisse occidentale. Le raccordement du CHUV est effectif depuis le 1er décembre 2021.

Une centaine d’auxiliaires de santé sont chargé·e·s de se connecter au dossier électronique des patientes et patients.

Le caractère extrêmement normé et sécurisé du DEP a dicté des choix très pragmatiques, de manière que le projet puisse démarrer. Décidée en 2020, l’«organisation DEP» du CHUV est la suivante: une seule professionnelle ou un seul professionnel de santé est déclaré·e pour l’ensemble de l’institution (dans le cas présent, le professeur Philippe Eckert, directeur général). Une centaine d’auxiliaires de santé, réparti·e·s dans les différents secrétariats médicaux du CHUV, sont ensuite chargé·e·s de se connecter au dossier électronique des patientes et patients. Elles et ils peuvent y télécharger les informations pertinentes afin de préparer une prise en charge au CHUV.

Une formation a été donnée à la centaine de collaboratrices et collaborateurs concerné·e·s par l’accès au DEP. Elles et ils ont reçu des moyens d’identification électroniques, «sésame» obligatoire pour une connexion en toute sécurité. Des comptes d’accès à la plateforme CARA ont également été distribués. Un contrat a été conclu avec une société externe afin de mettre à disposition un moyen d’identification électronique certifié par la Confédération.

Le système d’information de l’hôpital a été adapté de manière à pouvoir automatiquement détecter les patientes et patients que le CHUV prend en charge et qui possèdent déjà un DEP. Ce repérage est très utile dans les cas d’urgences médicales (notamment pour les personnes inconscientes ou incapables de discernement).

Il faudra également que la publication des documents du CHUV dans le DEP soit entièrement automatisée.

Dans le canton de Vaud, le DEP a démarré de façon très progressive tout au long de l’année 2021. Le 1er décembre, afin de mettre à disposition les documents médicaux du CHUV dans le DEP de ses patientes et patients, une équipe temporaire de publication «manuelle» a été mise en place.

Le début de l’année 2022 doit voir se propager la connaissance du DEP à tous les niveaux de l’hôpital (médecins, personnel soignant et personnel administratif en contact avec les patientes et patients). Il faudra également que la publication des documents du CHUV dans le DEP soit entièrement automatisée. Cet objectif devrait être atteint en 2022.

Il est important de souligner que le dossier électronique du patient ne se limitera pas à un simple dépôt de documents PDF. L’intention de CARA et des cantons romands qui soutiennent cette association est de promouvoir un plan de médication partagé au sein du DEP. Dans cette optique, la Direction des systèmes d’information du CHUV a entrepris de définir et de construire l’interface qui permettra de connecter l’outil de prescription médicamenteuse du DEP avec le futur plan de médication partagé cantonal (prévu entre fin 2022 et début 2023). Cette mise en réseau devrait faciliter l’anamnèse médicamenteuse lors de la prise en charge de la patiente ou du patient, de même que la continuité des traitements à sa sortie de l’hôpital.

Fortes contributions du CHUV à la première phase du Swiss Personalized Health Network

Depuis 2017, le groupe «data science» de la DSI participe activement au Swiss Personalized Health Network (SPHN). Cette initiative nationale a pour but de développer une infrastructure et des processus qui permettront d’accélérer et de promouvoir la recherche dans le domaine de la médecine personnalisée.

En 2021, la première phase du SPHN a été clôturée avec succès. Grâce à une étroite collaboration entre les cinq hôpitaux universitaires, le projet a franchi des étapes majeures. Les chercheuses et chercheurs ont désormais accès à des données interopérables, dépersonnalisées et sécurisées, ainsi qu’à des outils d’analyse avancés.

Le système comprend actuellement environ 70 millions de points de données.

Un cadre légal et éthique a d’abord été mis en place afin de rationaliser le processus d’échange de données entre institutions et d’accélérer les projets de recherches. Le SPHN s’est ensuite engagé pour une gestion FAIR (acronyme de l’anglais findable, accessible, interoperable, reusable) et un usage responsable des données de santé. Afin de permettre que les données issues de plusieurs hôpitaux puissent être facilement agrégées et intégrées au sein d’un langage commun, des infrastructures ont été mises en place. Ces dernières ont pu être utilisées pour des projets de recherches SPHN dans divers domaines (oncologie, infectiologie, gériatrie et radiologie), préparant ainsi le terrain pour une large application de l’intelligence artificielle.

L’outil Federated Query System (FQS), qui sert à effectuer des analyses de faisabilité, a été déployé dans les cinq hôpitaux universitaires de Suisse. Les chercheuses et chercheurs peuvent ainsi vérifier quelles données des patientes et patients sont potentiellement disponibles. Actuellement, le système comprend un total d’environ 70 millions de points de données. Ces informations proviennent de plus de 450’000 patientes et patients qui ont signé le consentement général et ont de ce fait mis leurs données à la disposition de la recherche. Des nouvelles données sont introduites en permanence dans le système.

MedCo est la première plateforme au monde qui permet aux chercheuses et chercheurs d’explorer et d’analyser des données de plusieurs hôpitaux.

En partenariat avec l’EPFL, le CHUV a développé la plateforme d’analyses fédérées et sécurisées MedCo. Grâce à des technologies d’encryption très avancées, cette plateforme est la première au monde qui permet aux chercheuses et chercheurs d’explorer et d’analyser des données de plusieurs hôpitaux sans avoir besoin ni de voir ni de transférer les données. Cette façon de procéder garantit une protection maximale de la confidentialité.

Le succès de cette première phase du SPHN a permis de mettre en place un socle d’infrastructure solide et de reconduire les contrats de collaboration sur une nouvelle période de trois ans (2021-2024). Le projet pourra ainsi consolider et pérenniser ces infrastructures clés pour la recherche médicale de demain.